
"Ce que vous vivez, comme vous le vivez !"
L’Analyse des Pratiques Professionnelles
et
Régulation d'Équipe
Je conduis des Groupes d’Analyse des Pratiques Professionnelles pour les professionnels des Établissements et Services de Soins, Sociaux et Médico-Sociaux.
Organisés le plus souvent en cycles de 10 séances, au rythme de deux heures mensuelles, ils peuvent compter jusqu’ à 12 personnes.
Ce travail concerne tous les professionnels, sans pré-requis.
Le Groupe d’Analyse des Pratiques Professionnelles (GAPP) est un espace de travail et d’expression confidentiel, organisé, collectif et collaboratif qui propose d’accompagner les professionnels
✔ pour mieux comprendre les situations / expériences professionnelles qu’ils ont vécues
✔ pour mieux comprendre la qualité de leur implication dans les situations dont ils sont, de fait les co-acteurs / co-auteurs.
Une question reste posée, une impression, un sentiment parfois diffus subsistent.
Ils veulent revenir sur ce qu’ils ont vécu, prendre le temps d’en (re-)parler, de témoigner ; bénéficier des regards croisés de leurs pairs pour construire des savoirs nouveaux sur la situation considérée (position méta-cognitive, se former), mieux la comprendre, agir autrement si besoin, s’ajuster.
Mon approche est ici phénoménologique. Notre travail prend progressivement sa forme (groupe de parole ou mise en œuvre d’un protocole), en fonction du climat qui règne dans l’ici et maintenant de notre rencontre en fonction de ce qui est proposé en début de séance : une expérience professionnelle vécue, une préoccupation ou thème en rapport avec l’exercice professionnel.
Au service de ce qui est proposé, mon intention est alors autant que possible, d’écouter, de comprendre pour rejoindre les Personnes là où elles sont. Avec leur accord, nous cheminerons ensemble.
Il s’agit pour autant, de ne pas perdre ‘’le fil des pratiques’’, espace de « liberté et de solitude »[1] en ouvrant nos réflexions et échanges vers des considérations qui resteraient généralistes et conceptuelles.
➢ Favoriser la position de parole incarnée : « un sens en première personne »[2]
Nous recentrons notre travail sur des situations / expériences professionnelle(s) vécue(s) par les professionnels eux-mêmes en rapport avec le thème proposé.
C’est en effet la façon dont les Personnes ont vécu ce moment professionnel et leurs besoins qui sont au centre de nos préoccupations.
Ce qui a été, est, indiscutablement.
Les subjectivités engagées sont objectives. Elles sont des faits, des éléments constitutifs de la situation présentée elle-même.
Il n’y a donc pas de ‘’petite situation’’, de situation banale ou sans intérêt. Toutes ont leur place de manière inconditionnelle.
Pour Jacky Beillerot, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Paris X-Nanterre[3] « C’est par sa conscience, puis sa compréhension des situations et des phénomènes que le sujet accédera à une possible transformation même du réel. Il est donc affirmé que l’humain n’est pas une machine à computer ou à appliquer des protocoles car il engage dans toutes ses actions une part essentielle de sa subjectivité consciente et (non)consciente et donc de son histoire individuelle et collective »
Notre travail est organisé autour de quatre axes essentiels :
✔ l’exposé des faits sans interprétations ni jugements,
✔ l’identification et la formulation de la / les question(s) que la situation (nous) pose(nt),
✔ la formulation d’hypothèses de compréhension de la question / du problème identifié(e)
plus tôt,
✔ la co-construction de propositions d ‘action(s) dans cette situation.
Mais l’engagement dans ce travail ne va pas de soi. Il n’est pas spontané.
➢ Prendre le temps de construire le groupe.
Participer à un Groupe d’Analyse des Pratiques Professionnelles demande de la motivation, une réelle implication et du temps.
Aussi, la présence régulière et suivie de chacun-e des participants est-elle la condition nécessaire à l’acquisition progressive d’ “habitudes de travail”; à l’installation progressive du climat de confiance et de sécurité indispensable à la pratique responsible d’une parole incarnée libre, respectueuse et respectée.
Prendre la parole en groupe, c’est s’exposer, c’est prendre le risque d’être jugé.
Même si le rôle de l’intervenant est ici déterminant, chacun des membres du groupe en est co- animateur. Il est co-garant du cadre respectueux des échanges.
En celà, le GAPP est aussi un espace d’engagement des responsabilités individuelles.
Un soutien institutionnel réel (mise à disposition des locaux et matériels, respect des temps de présence des professionnels aux séances) contribue à en faire un espace identifié, reconnu et porteur de sens.
➢ Passer de la difficulté à la complexité, de la plainte au sens
Engagés quotidiennement dans des contextes et environnements de travail particulièrement exigeants et incertains, les professionnels disent parfois « ne plus comprendre ce que l’on attend d’eux », expriment leur « sentiment de solitude » face aux situations.
Ils disent parfois vivre une crise de sens.
Nommer les désaccords, exprimer les conflits, favoriser et soutenir les débats de normes et de valeurs dans un cadre sécurisé, permettre « la dispute professionnelle »[4] , expression incarnée du sens de l’engagement de chacun-e, appartiennent aussi aux dynamiques favorisées par la conduite des Groupes d’Analyse des Pratiques Professionnelles.
Ils sont donc aussi parfois un espace de régulation des collectifs de travail.
➢ Mieux se connaître, mieux se comprendre pour mieux travailler ensemble, mieux coopérer.
Pris dans des rythmes institutionnels souvent très soutenus, les professionnels manquent de temps pour se rencontrer, (se)parler, s’écouter, prendre du recul sur les situations, nommer ses émotions, « refaire son métier »[5]
Ils se connaissent finalement assez peu voire mal. Chacun d’eux, individuellement fait de son mieux mais ensemble, ils doivent coopérer et ainsi vivre ce que F. Dupuy nomme « l’interdépendance »[6]
Le GAPP permet une meilleure connaissance des professionnels entre eux, une meilleure compréhension des logiques d’action en œuvre (projets, objectifs, niveaux de contraintes) et qui sont parfois contradictoires voire incompatibles entre elles.
Les risques d’incompréhension et de mal-entendus, à l’origine de nombre de tensions sont nombreux.
Oui, le travail peut parfois gêner voire empêcher le travail.
Le plus souvent expliquer suffit.
Et parce que tout ne va pas mal ...
➢ Reconnaître, valoriser les compétences, les initiatives, les réussites ; soutenir les projets.
S’intéresser aux difficultés rencontrées par les professionnels dans l’exercice de leurs métiers, ne doit pas faire oublier de regarder ce qui va bien.
Même si nous avons plutôt tendance à regarder du côté de ce qui ne va pas, du côté de ce qu’on n’a pas réussi .... je n’oublie pas d’inviter les professionnels à parler de leurs réussites, de leurs satisfactions, de leur sentiment de puissance, de fierté face à la tâche réalisée ou à venir.
La réussite de l’Un-e peut être aussi la réussite de l’Autre.
Une façon de faire, d’avoir su ne pas faire peuvent constituer une véritable source d’inspiration. Il s’agit d’essaimer la réussite.
Le Groupe d’Analyse des Pratiques Professionnelles n’est pas un espace ‘’hors sol’’.
Les professionnels peuvent tout à fait se saisir d’une idée, d’une proposition d’action nées de nos échanges pour initier la conduite d’un projet opérationnel qui leur paraît adapté, au sein d’un service.
Dans tous les cas, nous partons ensemble du postulat de ‘’l’action de chacun-e, de son mieux
pour le mieux’’ et l’érigeons comme base de communication.
Mots-clés :
Accompagnement - Action (Logiques d’) - Agir professionnel - Analyse des Pratiques Professionnelles - Cohésion d’Équipe – Communication - Compétences (mobilisées/attendues) – Compréhension - Conflits – Écoute – Encadrement - Coopération (faire) – Débat - Dialogue- Écoute- Expérience – Explication - Explicitation – Implication – Management - Posture réflexive - Prévention maltraitance – Projets - Promotion bientraitance – Qualité de Vie au Travail - Régulation – Responsabilité - Risques Psycho-Sociaux – Sens - Situations professionnelles – Soutien – Supervision – Travail - Travail en (d’)équipe.
[1] Saûl Karsz, Pourquoi le travail social ? Dunod, Paris, 2004
[2] Michel Berthelot, École, orientation, société, Paris, PUF, 1983.
[3] Jacky Beillerot, CRAP-Cahiers Pédagogiques, septembre 2003.
[4] Y. Clot, Economie et sens, 2014
[5] Emprunté à Jean-Luc Roger in « Refaire son métier Essai clinique de l’activité », érès, clinique du travail, 2007.
[6] F. Dupuy, in Obsevatoire de la compétence Métier, janvier 2020
Samuel Wrobel